11/09/2019
© Pond en conférence de presse à la Route du Rock 2019. Crédit photo : Valentine Montesino
À l’occasion du festival La Route du Rock, l’équipe TÉMA! à eu l’opportunité d’assister à la conférence de presse du groupe Pond, artistes australiens qui avaient déjà éveillé notre attention avec leur clip Daisy, sorte de ballade psychédélique dans le paysage Tasmanien.

Sans formation fixe, Pond est une forme de collectif qui tire son originalité de son but premier : constituer un espace de liberté de création afin de former un projet musical centré sur la collaboration. Chacun a ainsi expliqué lors de la conférence de presse s'être essayé à l’écriture lors du processus de construction de l’album, autour de thématiques récurrentes qui s’incarnent visuellement dans une énergie juvénile et désabusée qui se détache de chacun de leur clips.

Au début de Daisy, un petit texte nous précise que les musiciens reconnaissent respectueusement les nations Kullin et Nyoongar sur les terres desquelles a été tourné le clip. Cet encart s’inscrit dans une démarche plus globale du groupe qui aborde à travers son nouvel album la question de l’urgence climatique se heurtant à une quête individuelle, moderne et en même temps profondément humaine d’hédonisme.
Lorsque qu’il évoque Tasmania, le chanteur du groupe Nick Allbrook parle de ce paradoxe en expliquant vouloir assumer de « regarder le monde avec ses propres défauts ».

Personnage principal de de tous les clips du groupe sur leur dernier album, joueur dans The boys are killing me, sulfureux dans Sixteen Days et volatile dans Daisy, il devient à travers leur mythologie visuelle la représentation incarnée de cette quête d’hédonisme qui tourne en rond.

Le groupe explique ainsi ne pas vouloir tenir une posture prophétique ou donneuse de leçons. Le but de Tasmania est de discuter de l’état du monde tout en représentant une forme d’échappatoire par rapport à celui-ci. Être dans le monde et hors du monde, comme dans Daisy, où le décor épuré souligne un réel omniprésent, celui d’une terre aride et vide dans laquelle se perde les membres du groupe. La couverture de survie agitée par le chanteur y devient à la fois élément de fantaisie et marque du réel, car c’est elle qui permet de se protéger du soleil en cas de grande chaleur ; son utilisation ici ne peut donc être anodine.

Lorsque le sujet de la réalisation et de la conception du clip arrive sur le tapis lors de la conférence de presse, le groupe explique vouloir surtout travailler l’image et son sens sans pour autant s’inscrire dans une forme trop didactique. Le paysage désertique de Daisy est ainsi un rappel visuel des effets du réchauffement climatiques, qui selon eux est particulièrement visible en Australie. Mettre en place une image leur permet de travailler le symbole plutôt que l’évidence, et accompagne par la même le paradoxe que file tout l’album: comment agir, se bouger politiquement, dans un ère d’urgences et d’égoïsme, où l’individualisme prime avant tout ? Comment lutter contre le réchauffement climatique lorsque l’on est musicien professionnel, et que même le carton recyclé de nos disques ne rembourse pas la taxe carbone de nos tournées à l’étranger ?​​​​​​​
Daisy est l’incarnation de ce questionnement, avec ce personnage entouré de présences quasi-inexistantes qui s’agitent dans le vide et le désœuvrement. Même mécanique dans le burlesque Sixteen Days, où le chanteur semble, à l’instar des culturistes qui l’entourent, s’épuiser à vouloir se faire aimer de la caméra. On ressent dans tous les clips de Pond illustrant l’album Tasmania cette même énergie vaine, gaspillée, qui veut agir mais se renferme sur elle même.

La démarche du groupe est claire : suggérer plutôt que montrer. Un autre membre du collectif, Joe Ryan, nous a, lui, parlé du visuel spectaculaire dans le clip vidéo, et de l’impression qu’il fait sur son spectateur. La mise en place de l’image dépasse dans cette démarche la question du propos, et permet de mettre en place un univers visuel qui évoque sans montrer. Il faut faire voir sans être vu, et cette formule pourrait résumer à elle toute seul la place du clip dans le travail du groupe.


Valentine Montesino